Enseignant, écrivain et conférencier, Tal Ben-Shahar est célèbre pour ses cours de psychologie positive au sein de la prestigieuse Université américaine de Harvard. Malgré son succès et son emploi du temps bien rempli, c’est avec une grande sympathie qu’il a accepté de répondre à mes questions.
1. Pouvez-vous, en quelques mots, raconter aux lecteurs qui vous découvrent, qui vous êtes et quel est votre parcours ?
Initialement, ce qui m’a conduit à m’intéresser à la psychologie positive, la science du Bonheur, c’était mon propre malheur. Tout allait bien, j’étais étudiant en licence à Harvard, un athlète de haut niveau, et j’avais une bonne vie sociale… mais je n’étais pas heureux. Cela n’avait pas de sens, car depuis l’extérieur, tout semblait formidable, mais à l’intérieur, ce n’était pas ce que je ressentais. J’ai voulu surmonter ce défi personnel auquel je faisais face, et cela m’a conduit à apprendre de ce domaine.
J’ai exploré les écrits de grands penseurs du passé, comme Confucius, Lao Tzu, Aristote, et Platon, aussi bien que ceux des chercheurs contemporains, comme Martin Seligman, Sonja Lyubomirsky, et d’autres encore. Les œuvres des philosophes et des psychologues m’ont aidé à devenir plus heureux, et ainsi j’ai voulu partager ce que j’avais appris avec d’autres personnes. Aujourd’hui j’écris, j’enseigne – et bien entendu, je continue à apprendre.
2. Comment avez-vous découvert la psychologie positive, et qu’est-ce qui vous a donné envie de vous y intéresser davantage ?
Jusqu’à récemment, la question du bonheur -d’amélioration de la qualité de nos vies- a été dominée par la psychologie « bon marché ». Dans de nombreux séminaires et livres pour s’aider soi-même actuellement proposés, on trouve beaucoup d’amusement et de charisme, mais relativement peu de substance. On nous promet le bonheur en 5 étapes rapides, les 3 secrets du succès, ou encore 4 façons de rencontrer l’âme sœur. Bien souvent, il s’agit de promesses en l’air, et au fil du temps, les gens sont devenus cyniques envers l’approche pour s’aider soi-même (self-help).
De l’autre côté, nous avons les universitaires, avec des écrits et des recherches consistants, mais qui ne parviennent pas forcément jusqu’aux ménages.
De mon point de vue, et c’est ainsi que je le vois, le rôle de la psychologie positive, et ce que ma classe fait, est de créer des ponts et réunir la Tour d’Ivoire au quartier « populaire »…. Réunir la rigueur du monde universitaire, et l’amusement / la légèreté du mouvement « auto-assistance » (self-help).
3. Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans cette discipline ? Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans vos recherches ?
C’est qu’il y a une preuve scientifique, la recherche actuelle, qui peut nous aider à être plus heureux. L’une des découvertes les plus fascinantes en psychologie, dans les 10 dernières années, a été de comprendre que notre cerveau change jusqu’au jour de notre mort. Ceci est une preuve physique/objective que nous pouvons changer et que nous le faisons tout au long de notre vie. Le cerveau est moins souple et malléable plus tard dans la vie, et les changements peuvent demander plus de temps, mais c’est toujours possible de le faire.
Le premier pas pour arriver à changer, c’est de croire qu’il est possible de changer. Une personne – qu’elle ait 16 ans ou 60- qui ne croit pas à la possibilité d’un changement, ne changera sûrement pas. La croyance devient une prédiction qui se réalise.
4. Pensez-vous que tous les psys devraient s’intéresser à ces recherches ?
Je pense que la psychologie positive peut apporter sa contribution aux psychologues, aux psychologues des entreprises, et aux psychologues travaillant dans les écoles. Donc oui, tous peuvent en tirer un bénéfice.
5. Beaucoup de gens semblent aujourd’hui proposer des méthodes pour aller mieux, quelle est la spécificité de la psychologie positive ?
L’étude du cerveau, en utilisant des scanners appropriés (FMRI, PET Scans ou EEG), annonce de nouvelles possibilités très excitantes.
6. A votre avis, sur quoi va porter la psychologie positive dans le futur ? Quelle recherche souhaiteriez-vous voir progresser ?
Comment aboutir à un changement durable. De nos jours, beaucoup d’interventions agissent à court terme, et ne mènent pas à un changement durable.
7. Est-ce que la psychologie positive vous a transformé ? Quels effets a-t-elle eu sur vous ?
Je suis plus heureux aujourd’hui que je ne l’étais 15 ans auparavant quand j’ai commencé à étudier la psychologie, et j’espère avec certitude l’être encore plus dans 15 ans. Le bonheur n’est pas un point final, mais un voyage qui dure toute la vie -parfois difficile, parfois agréable, et qui vaut toujours la peine d’être poursuivi.
8. Qu’est-ce que le bonheur selon vous?
Je définis le bonheur comme « l’expérience globale de plaisir et de signification ». Une personne heureuse apprécie les émotions positives en percevant sa vie d’une manière qui a du sens. La définition ne se rapporte pas à un moment précis, mais au cumul global de toutes les expériences d’un être humain : une personne peut endurer des douleurs émotionnelles par moment, et cependant être heureuse dans l’ensemble.
9. Est-ce difficile de changer ? de devenir plus heureux, plus optimiste ?
Oui, bien que c’est possible.
10. Quels conseils donneriez-vous pour être plus heureux ?
Voici mes 7 recettes du bonheur :
Leçon 1 : Accordez-vous le droit d’être humain. Quand nous acceptons les émotions—telles que la peur, la tristesse ou l’anxiété—comme naturelles, nous sommes plus à même de les surmonter. Rejeter nos émotions, positives ou négatives, conduit à la frustration et au fait d’être malheureux. Notre culture est obsédée par le plaisir, et nous pensons que la caractéristique d’une vie qui vaut la peine est l’absence de désagréments ; et quand nous sommes face à la douleur, nous pensons que c’est un indicatif que quelque chose va mal en nous. En fait, il y a quelque chose qui ne va pas si nous ne faisons pas, par moment, l’expérience de la tristesse ou de l’anxiété, qui sont des émotions humaines. Le paradoxe, c’est que quand nous acceptons nos émotions -quand nous nous accordons le droit d’être humain et d’avoir des émotions douloureuses- nous sommes plus enclins à nous ouvrir à des émotions positives.
Leçon 2 : Le bonheur est situé au croisement entre plaisir et signification. Que l’on soit au travail ou à la maison, le but est de se lancer dans des activités qui ont à la fois ont un sens personnel, et dans les lesquelles on prend du plaisir. Quand ce n’est pas réalisable, faites en sorte d’avoir des amplificateurs de bonheur, des moments dans la semaine qui vous procurent à la fois plaisir et signification. La recherche démontre qu’une heure ou deux d’activité significative et plaisante peut affecter la qualité d’une journée entière, voire même d’une semaine complète.
Leçon 3 : Garder en tête que le bonheur dépend principalement de notre état d’esprit, et non de notre condition sociale, ou de l’état de notre compte en banque. Excepté les circonstances extrêmes, notre niveau de bien-être est déterminé par ce sur quoi nous choisissons de nous focaliser, et par notre interprétation des évènements extérieurs. Par exemple, est ce que nous focalisons sur la partie vide ou la partie pleine de notre verre ? Est-ce que nous considérons les échecs comme catastrophiques, ou les voyons nous comme des occasions dont il faut tirer parti ?
Leçon 4 : Simplifiez ! Nous sommes en général trop occupés à essayer de nous investir dans de plus en plus d’activités, avec de moins en moins de temps. La quantité influence la qualité, et nous compromettons notre bonheur, en essayant d’en faire trop. Savoir dire « non » aux autres signifie souvent se dire « oui » à soi-même.
Leçon 5 : Souvenez-vous du lien esprit-corps. Ce que nous faisons- -ou ne faisons pas- avec notre corps influence notre esprit. De l’exercice régulier, un sommeil adéquat, et des habitudes alimentaires saines, conduisent à la fois à une bonne santé du corps et de l’esprit.
Leçon 6 : Exprimez de la gratitude chaque fois que c’est possible. Nous considérons trop souvent nos vies comme un acquis. Apprenez à apprécier et à savourer les choses magnifiques de la vie, des gens à la nourriture, de la nature à un sourire.
Leçon 7 : L’indice numéro 1 du bonheur, est le temps que nous passons avec les gens que nous aimons, et qui nous aiment. La source la plus importante de bonheur peut être la personne assise à côté de vous. Appréciez les, savourez le temps passé avec eux.
Je remercie encore une fois Tal Ben-Shahar d’avoir répondu à mes questions.
Chers futurs optimistes, prenez le temps de relire ces 7 recettes du bonheur, et essayez de les appliquer au mieux dans votre vie.
Si vous souhaitez approfondir cette réflexion, voici la bibliographie de Tal Ben-Shahar (il vous suffit de cliquer sur les images pour vous retrouver sur le site de notre partenaire amazon) :